Mouton noir et étapes du deuil
Cédric Vimeux a encore frappé avec une de ses petites histoires initiatiques à propos d’un mouton noir. Du noir aux étapes du deuil, il n’y avait qu’un pas !
Un ingénieur, un physicien expérimental, un physicien théoricien et un philosophe se promenaient dans les montagnes d’Écosse.
Quand ils atteignirent un sommet, ils aperçurent un mouton noir sur une crête avoisinante.
– On voit que les moutons écossais sont noirs, déclara d’ingénieur.
– Il serait préférable de dire que certains moutons écossais sont noirs, dit le physicien expérimental.
Le physicien théoricien réfléchit un instant et dit
– Il serait plus correct de dire qu’au moins un des moutons écossais est noir.
– D’un côté, du moins, corrigea le philosophe.
Gérard Szymanski
Chacun sa vision, ses identifications, sa façon de théoriser sur le monde en fonction de ses conditionnements, de son pays, et surtout, de ses expériences.
Tout est une question de point de vue, de petit bout de la lorgnette par lequel on regarde la vie ou…la mort !
Est-ce l’approche de la Toussaint la source de mon inspiration ou le fait que la mort soit un sujet jugé « mouton noir »?
J’entends par cela, « néfaste, que l’on tient à l’écart sous prétexte d’un risque supposé de contamination », c’est à dire particulièrement controversé? Voici donc ma version de l’histoire.
-La mort, en elle-même, n’est qu’un « instant » de passage d’un état vers un autre, dit le scientifique.
-La mort, c’est la perte de la respiration spontanée, de toute activité des nerfs crâniens et d’un électroencéphalogramme plat pendant trois minutes, dit le médecin.
-Pas du tout, la mort n’est qu’un passage, une formalité d’une réalité vers une autre, dit le spirituel. Il le sait parce qu’on le lui a dit et que cela a résonné en lui. Difficile cependant d’en faire la démonstration !
-Je regrette, Il n’y a rien après la mort, c’est la fin de tout, du corps et du principe de conscience dit le matérialiste.
-Que d’ignorance, la mort, « c’est célébrer ses noces avec l’éternité », le principe du Soi ne naît ni ne meurt, dit le mystique perse Rumi.
-La mort intrigue, dit le psychologue. Elle provoque en vous des réactions viscérales de rejet, de fuite ou d’incompréhension. Elle vous ramène à la disparition d’êtres chers.
-La mort fait peur dit la technique Tipi, elle vous ramène de façon très inconsciente à toutes ces petites morts que vous avez vécues dans votre vie intra-utérine et qui sont la cause de nombreux troubles comme les paniques, les crises d’angoisse et les phobies.
-La mort est quelque chose que l’on peut vivre de son vivant dit celui qui a vécu une NDE (Near Death Experiment). Ce fut une expérience inoubliable, une source de plénitude et de beauté dans un état de paix immense qui défie toute description.
-Que dites-vous, la mort est sans doute la chose la plus effroyable qui puisse arriver à un être humain; dit le Béotien.
-Tant que nous sommes en vie, la mort n’existe pas, dit le philosophe. Elle concerne un instant futur qui n’est pas encore arrivé. Dit autrement, tant que nous sommes vivants, l’angoisse engendrée par la mort n’appartient qu’à l’imaginaire.
-La mort, c’est la transformation dans un nouvel état, le signe d’une vie renaissante, dit le Chinois lorsqu’il s’habille en blanc pour un enterrement.
-La mort est une libération. Vivre est une maladie, la mort est le remède, dit le condamné lorsqu’il souffre.
Les créateurs de la série « Fringe » ont inventé un univers parallèle au sein duquel d’autres « nous » existent en ayant fait d’autres choix. Certains personnages, morts dans un espace/temps, existent cependant dans l’autre…
Comment s’y retrouver au milieu de toutes ces définitions et toutes ces idées contradictoires à propos de la mort ? Sans doute parce que votre vision de la mort dépend de vos croyances.
Les étapes du deuil
Quelques définitions et citations m’ont cependant mis la puce à l’oreille. Au lieu de parler de conceptions différentes de la mort, elles semblaient parler de différentes étapes du deuil: les voici.
- Puisque la mort est inévitable, oublions-là, a dit Stendhal
- La mort, ça n’existe pas, a dit Edith Piaf
- Qui aime la mort aime la vie, a dit François Mittérand
- On est seul dans la mort, a dit Monique Corriveau
Qu’il soit question de la vôtre, ou de la mort de quelqu’un, les étapes du deuil ont été balisées afin de faciliter la traversée de la peur et de la douleur.
Elisabeth Kübler-Ross a été une des pionnières à parler des différentes étapes du deuil à franchir.
Je vais vous décrire ce qui me paraît être huit phases bien distinctes des étapes du deuil. Il n’est bien sûr, pas uniquement question de la mort.
Les étapes du deuil concernent toute notion de perte, de mort psychologique, de départs, de rupture, de changements, d’abandon et de situations sans retour possible (en tous cas vécus comme tels).
1ère étape du deuil : le choc.
En apparence, il n’y a pas de réaction ni d’émotions. Vous êtes en état de sidération. La nouvelle est trop soudaine : « Vous êtes viré » ou « Il vous reste six mois à vivre ».
Il n’y a pas de conscience non plus. Cette forme d’incrédulité peut s’apparenter à un traumatisme. Il peut aussi y avoir une panique instantanée avec deux types de réactions dans le corps : l’adrénaline ou l’anesthésie. En état de choc, ce n’est pas le cerveau frontal qui est aux commandes.
2ème étape du deuil : le déni
C’est en quelque sorte, le refus de croire à ce qui vient de se passer. On rejette la réalité car elle est inacceptable et « in-entendable ».
Le refus de se confronter à la réalité peut engendrer des réactions physiologiques comme la perte de connaissance.
Le temps semble être aboli. Vous faites comme si rien ne s’était passé. Vous ne touchez à rien. Vous tentez de continue à vivre sur les habitudes du passé.
Si vous avez perdu quelqu’un, vous lui parlez comme si il était encore là. Votre corps vit une tension et une grande agitation mais vous agissez mécaniquement. Si c’est votre travail que vous avez perdu, vous cherchez à vous occuper.
3ème étape du deuil : la colère
Vous rendez la terre entière responsable de votre difficulté. Votre comportement peut devenir agressif. Vous cherchez des coupables et vous en trouvez.
Cette phase est reconnaissable dans les hôpitaux au niveau des services de soins palliatifs où les malades s’en prennent au personnel soignant ou à certains membres de leur famille.
C’est aussi la colère contre un Dieu vengeur qui s’en est pris à vous et vous cherchez pour quelle raison.
Parfois, c’est la colère contre vous-mêmes qui prend le dessus. Dans l’impuissance, vous culpabilisez de ne pas avoir été là pour l’autre ou de ne pas avoir fait ce qu’il faut pour votre santé ou pour votre relation.
Dans le cas d’une rupture, vous cherchez qui a commis l’erreur pour éviter de sentir. Vous cherchez à comprendre ce qui ne fonctionne pas comme si c’était réparable.
Cette tentative de rationalisation vous donne l’illusion de détenir encore un pouvoir de contrôle.
4ème étape du deuil : le marchandage.
Une issue vous paraît encore possible. Vous cherchez un accord avec le divin ou avec l’autre : «Je vais changer, tu peux rester avec moi, je ferai tout ce que tu veux ».
C’est peut être une négociation avec l’univers : « je promets de faire ceci » ou « je vais courir un marathon pour que cette personne retrouve la santé ».
Vous avez l’impression qu’avec un sacrifice, tout va redevenir comme avant.
5ème étape du deuil, tristesse et/ou dépression
Cette émotion est enfin au rendez-vous. Il n’existe pas de perte sans tristesse. Lorsqu’elle est là, une partie du deuil est entamée.
L’heure est souvent à l’isolement, à la sensation de vide avec des pics d’intensité douloureuse.
A cause du taux élevé d’adrénaline et de cortisol dans le sang, la fatigue s’installe. Les défenses immunitaires s’amenuisent. Les souvenirs refont surface. Vous pouvez croire devenir fou de douleur.
C’est souvent vers la fin de cette étape que vous commencez à envisager chercher de l’aide et du soutien. C’est un peu comme si cette phase était sans fin.
Si vous avez perdu votre travail, c’est un état dépressif qui s’installe. L’avenir est bouché. Revenir en arrière n’est pas possible.
6ème étape du deuil : la résignation.
C’est l’abandon de la lutte. A ce stade, vous avez l’impression d’avoir essayé toutes les stratégies et elles n’ont pas fonctionné.
Vous n’avez pourtant aucun visibilité sur la suite des évènements. Si vous avez été licencié, vous vous sentez exclu et rejeté mais vous n’y pouvez rien.
Pourtant la douleur s’atténue.
7ème étape : l’acceptation.
La réalité de la perte est mieux comprise donc plus acceptée. La vie se réorganise. Vous recommencez à fonctionner seul mais en acceptant les aides que vous avez sollicitées.
Il devient possible d’aborder la nouvelle réalité, même si celle-ci se traduit par quitter bientôt cette Terre.
Si vous avez vécu une rupture, vous commencez à voir le bon et le moins bon de la relation, les vraies raisons pour lesquelles elle a cessé.
Si vous avez perdu quelqu’un, vous commencez à vous relier à cette personne par un chemin plus intérieur.
En fait, vous sentez le lien dans votre propre cœur même si l’autre n’est plus là. Le lien est en vous. Vous pouvez commencer à laisser partir cette personne sans vous sentir dépossédé.
8ème étape reconstruction.
Lorsqu’une personne va mourir, il est étonnant de parler de reconstruction et pourtant c’est le cas.
A ce stade, vous développez une nouvelle identité. Vous êtes devenu quelqu’un d’autre. Vous laissez votre ancienne peau et vos anciennes souffrances s’en aller.
La mort n’est plus un obstacle ni une erreur. Vous commencez à pénétrer les mystères de cette réalité. L’amour semble plus fort que la mort.
Si vous avez perdu votre emploi, vous vous remettez à fonctionner. Votre cerveau trouve de nouvelles solutions.
L’aspect financier de la vie, que vous aviez totalement laissé de côté tant vous étiez submergé par la perte, refait surface.
« Nous sommes tous des chrysalides ; au moment de mourir, notre cocon s’ouvre et nous devenons papillons ». Elisabeth Kübler-Ross
La vie reprend ses droits. Vous trouvez une nouvelle foi en elle. Vous êtes tout neuf. Vous pouvez mourir guéri!
La perte n’est jamais facile à traverser. Les étapes du deuil sont aussi une lourde expérience à vivre. Il n’est pas question de vouloir transformer l’évènement difficile en action positive mais de ne pas résister au travail intérieur que cela exige.
Et pourtant, si vous acceptez de suivre le processus sans vouloir l’accélérer afin de passer vite à autre chose, vous allez en recueillir un cadeau inestimable : l’amour de l’acceptation et le cœur de l’instant présent.
Et vous, connaissez-vous la perte ? Vous a t-elle apporté un bienfait ? Faites un commentaire!
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